Coup de coeur de la semaine pour un livre

Envoyé par Liliane le 23 mars 2021

Baguettes chinoises

de Xinran, livre paru en 2008

Les femmes ont été longtemps coupables de ne mettre au monde que des filles. Xinran a été profondément choquée d’entendre un mari dire « c’est sa faute à elle si elle n’a su mettre au monde qu’une poignée de baguettes et aucune poutre ! » Les baguettes sont les filles que l’on peut jeter, les poutres les garçons qui eux soutiennent le faitage de la maison. En tant que « journaliste, j’ai fait la connaissance de beaucoup de baguettes dans ces villages pauvres. Il y en a trois qui sont particulièrement chères à mon cœur. J’ai fait un roman de leur histoire ».

A l’aube des années 2000, dans un village de
l’Anhui, 3 chiffres, Trois, Cinq et Six soit 3 baguettes ou plus exactement 3 jeunes filles : « Trois était la troisième fille de la fratrie de six. Son père très déçu de ne pas avoir eu de fils, n’avait jamais pris la peine de donner de véritables noms à ses filles : elles devaient se contenter du numéro correspondant à leur ordre d’arrivée ».
Déterminées à échapper à leur destin « d’ustensile », elles choisissent l’exode vers la ville.

Nankin sera la destination de Trois, la première des sœurs, qui partira grâce à son oncle (Deuxième Oncle). Suivront tour à tour Cinq et Six résolues elles aussi à mettre un terme à la tradition qui refuse aux femmes de la campagne issues de familles nombreuses, ne serait-ce qu’un prénom.

Courageusement, elles changeront le cours de leur vie afin d’échapper au regard de leurs ainés, à la soumission au père et selon toute vraisemblance au mariage forcé…

Tout au long de cette histoire, nous accompagnons Trois et ses sœurs à la découverte de la ville et de ses usages qui les surprennent et bien souvent les paniquent. Nous les suivons dans leurs rencontres, transformées parce qu’elles ont osé, admirant leur courage, compatissant à leur chagrin. Le retour au village pour les fêtes du nouvel an, munies de cadeaux et de billets économisés sur leur travail,
est un passage superbe pour dire à leur mère leur affection et leur respect et montrer au père qu’elles ne sont pas seulement des numéros.
Ce livre, je l’ai « dévoré » parce dépaysant, étonnant et surtout, très émouvant.





Coup de coeur de la semaine pour un livre

Envoyé par Myriam le 8 mars 2021

Le lecteur de cadavres

d’Antonio Garrido, livre paru en 2015

Je ne dirai pas que c’est un « vrai » coup de cœur mais j’ai beaucoup aimé ce livre.
Son titre dit tout de ce sujet original. Ce roman historique raconte la vie extraordinaire du premier médecin légiste de l’histoire, Song Ci, au XIIIe siècle, l’époque de la Chine médiévale. Obligé de fuir son village après la mort de ses parents, l’incendie de sa maison, l’arrestation de son frère, il mène une vie misérable, ne rêvant que de livres et de connaissances.

Ce jeune homme pétri des valeurs confucéennes, passionné par les études, notamment la médecine, est confronté à la corruption, la violence et la mort. Pour survivre, il devient fossoyeur aux « champs de la mort » dans la capitale impériale et son talent pour expliquer les causes d’un décès le rend célèbre.
L’écho de ses exploits parvient aux oreilles de l’empereur qui le convoque pour enquêter au Palais, sur une série d’assassinats. C’est une véritable étude sociologique de la vie sous la dynastie des Song, à Lin’An, nom ancien de Hangzhou, une tranche d’histoire très bien documentée et une belle enquête policière qui évoque les livres de Van Gulik.

L’auteur espagnol, Antonio Garrido, précise dans une note en fin de livre : « le protagoniste Song Ci est un personnage réel (1186-1249) dont la vie est à peu près inconnue, mais dont on se souvient à cause de son œuvre abondante et féconde. Il est considéré encore aujourd’hui comme le « père » de la médecine légale et son œuvre, le Xi Yuan Ji Lu, traité légiste en 5 volumes publié en 1247 nous est parvenue à travers différentes traductions.

C’est un vrai thriller, à lire très vite : si vous commencez ce livre, vous ne le quitterez plus….





Coup de coeur de la semaine pour un livre

envoyé par Bénédicte le 17 février 2021

Les cygnes Sauvages

de Jung CHANG livre paru en 1992

Le récit court sur trois générations, la grand-mère, la mère et la narratrice née en 1952, de l’époque des pieds bandés et des concubines à celui du communisme, en passant par l’invasion japonaise et la période du Guomindang. L’histoire se passe en Mandchourie où les rites sont très contraignants, où l’individu est corseté – surtout les femmes – puis dans la région de Chengdu au Sichuan.
C’est un récit très documenté et très précis. Pas de littérature ni de style inutile. C’est quasi un journal dans lequel nous sommes au plus près des souvenirs, des sensations, des impressions. Et c’est d’autant plus fort que les sentiments et leur expression sont interdits, réprimés, autocensurés . Les éléments les plus marquants sont cette foi dans le communisme que vivent les parents de la narratrice; surtout le père, qui place cet idéal au-dessus de son amour pour sa femme et sa famille. Puis il évoluera, tout en restant un résistant face aux dérives du régime maoïste. Cet écartèlement intérieur l’amènera au bord de la folie.

Les grandes figures attachantes sont la grand-mère et la mère, résistantes aussi, mais s’adaptant à la terrible réalité et infatigables dans leur amour pour leurs enfants et la famille. La narratrice est particulièrement sympathique et on la suit comme une amie dans ce destin chaotique. On à peine à croire ces témoignages de vie dans ce monde bouleversé, violent, absurde, aussi hiérarchisé et injuste que l’Empire qu’il était censé combattre.

Superbe roman à lire et à relire !!





Coup de coeur de la semaine pour un livre

Envoyé par Élisabeth le 5 février 2021

Peinture et poésie

J’ai envie de parler d’un recueil de poésie et de peinture particulièrement bienvenu en ce moment : Un Monde simple et tranquille de Laoshu. L’auteur, LIU Shuyong de son vrai nom, peintre et poète, tient un blog sur lequel il publie une peinture accompagnée d’un poème chaque jour depuis 2011. Les éditions Picquier en ont tiré un recueil traduit en français intitulé Un Monde simple et tranquille. Il était venu à Rennes en 2018 présenter son travail. C’est là que je l’ai rencontré.

J’aime ce livre car il nous plonge d’emblée dans un univers très personnel. Les poèmes sont libres, l’auteur les qualifie de style « dayou » c’est à dire sans maniérisme ce qui les rend très accessibles. Les illustrations « croquent » la vie quotidienne. A l’encre noire ou colorées, elles sont magnifiques, à chaque page c’est la surprise.

Les saisons, la nature, les sentiments amoureux, le temps qui passe, l’argent, Laoshu nous offre sa vision du monde avec son lot d’humour, de truculence, d’évasion, de poésie toujours.
On est bien en Chine car il y a les rizières, les montagnes et les gâteaux de riz mais le langage est universel et parle à chacun de la vie.

Une lecture au fil de l’eau

Ce recueil peut être lu page après page, textes et peintures menant à la réflexion, beaucoup portent à la méditation, à l’apaisement. En ce moment, j’ai laissé le livre à portée de main et j’en ouvre une page au hasard, une page en appelant une autre à la manière d’un dictionnaire, le sourire est toujours au rendez-vous !

En tant qu’apprenante en chinois, un regret cependant : que l’éditeur n’ait pas pensé à mettre en parallèle le texte en chinois à côté de la traduction, le bonheur eut été total !

Chaque jour, je passe par cette ruelle,

Les fleurs, à profusion, envahissent le haut mur.

Absorbé par la frénésie des abeilles et la danse des papillons,

J’en oublie les inconstances du genre humain

Laoshu, Un Monde simple et tranquille





Coup de coeur de la semaine La plaine de de BI Feiyu

Coup de cœur de la semaine pour un livre

Envoyé par Ben le 27 janvier 2021

La plaine de BI Feiyu livre paru en2009

L’histoire se passe au cœur de la Chine pendant la Révolte Culturelle dans le village des Wang. On suit Duan Fang qui rentre au village après avoir fini ses études dans la ville proche.

Il est en bute à l’ignorance et au primitivisme des paysans et villageois, à la superstition et aux soumissions sociales, les hiérarchies communistes reproduisant un ordre féodal. Il se renfrogne vis à vis de tous. La seule personne qui va l’épanouir est une jeune fille qui lui rend son amour; mais un événement aussi tragique qu’absurde va la faire mourir.

Les personnages sont incroyables, sortes de marionnettes, vivant suivant des logiques incompréhensibles pour des lecteurs modernes.

Le personnage principal est la terre, la glaise, qui se marie avec l’eau du ciel et celle de la rivière. On barbote constamment dans la boue. Les personnages semblent être faits de cette terre, ils en ont la substance et la couleur.

Les personnages sont bruts ; il sort d’eux une énergie, une violence, une pulsion naturelle, sexuelle. Et quand le besoin se fait sentir, on l’assouvit avec sa truie tout comme avec sa femme, que l’on vend, comme un animal. Pas de morale, pas de jugement, mais une fresque forte. Très beau roman.

L’auteur a 56 ans. Il a reçu en 2011, le prix Mao Dun (l’équivalent de notre Goncourt) pour son livre Les aveugles.

Coup de cœur de la semaine pour un livre

Envoyé par Jacqueline le 18 janvier 2021

La souplesse du dragon  de Cyrille JAVARY livre paru en 2014  

« On ne pense pas, on n’imagine pas, on ne sent pas de la même façon en Chine et en Occident ; notre vision du monde n’est pas universelle, elle est un héritage culturel qui imprègne notre quotidien autant que notre philosophie. Ce n’est pas l’essence des êtres et des choses qui est centrale dans cette perception du monde, mais le changement incessant, la dialectique féconde entre yin et yang, le subtil balancement entre Terre et Ciel» Ces quelques phrases de la quatrième de couverture, illustrent bien le propos de l’auteur, subtil connaisseur de la Chine. 

La civilisation chinoise est la seule sur terre à perdurer après plus de 4 millénaires. Nous n’avons pas l’expérience d’un tel héritage et nous ne pouvons mesurer l’importance que cela a pour les Chinois.

De lecture facile, anecdotes du quotidien se mêlant à la grande Histoire, la souplesse du dragon nous permet de découvrir petit à petit, à partir de multiples exemples, les différences existant entre la pensée occidentale et la pensée chinoise, nous ouvrant ainsi à une meilleure approche de la Chine moderne.